L'imagination malsaine de David Roche

Voici mes fiches Word sur L'imagination malsaine de David Roche.
J'ai fiché intro et conclusion et à l'intérieur du développement les passages concernant Continental Drift (qui sont assez nombreux). Je ne suis pas très douée pour convaincre, mais c'est un livre clair et vraiment intéressant (sûrement beaucoup plus quand on connaît le corpus *à quand une soirée Cronenberg ou Lynch?*).


Attention Petite mise en garde, ne lisez pas ces fiches avant d'avoir lu le livre ! Il y a des spoilers dès l'intro et dans le reste du dvp aussi.


Je peux aussi vous envoyer le document Word par mail si vous voulez. C'est très long, je suis désolée, je n'ai certainement pas assez synthétisé... mais il y a tellement de choses intéressantes sur le bouquin qu'il faut me comprendre.

Un vrai résumé du livre trouvé sur cairn.info (http://www.cairn.info/revue-francaise-d-etudes-americaines-2010-1-page-116.htm#s1n7)



David Roche. L’Imagination malsaine : l’œuvre et la psyché. Paris : L’Harmattan, 2007. 367 p.

Cet ouvrage analyse les enjeux esthétiques du recours à l’imaginaire malsain dans un corpus d’œuvres littéraires et filmiques. David Roche livre en préambule une analyse détaillée de la notion de malsain à travers une approche lexicographique, morphologique et étymologique, qui s’accompagne de remarques sur les traductions de cette notion dans différentes langues. Il analyse ensuite des notions apparentées, telles que l’Unheimliche, le grotesque, la perversion et le tabou, puis il procède à une explication du choix du corpus qui associe des cinéastes (David Cronenberg, David Lynch) et des écrivains (Raymond Carver, Russell Banks, Brett Easton Ellis). Certains cultivent une expression directe du malsain, qu’elle soit somatique (Cronenberg) ou psychique (Lynch),alors que d’autres le représentent sous des formes indirectes (Carver, Banks).

La première partie de l’ouvrage articule la notion de malsain autour des opérations symboliques que sont la métonymie et la métaphore. Dans le premier chapitre, une étude de la représentation de la maladie dans les films de Cronenberg conduit au constat que ce n’est pas un stimulus qui est par nature malsain, mais la relation entre ce stimulus et un sujet, qui peut être de l’ordre de la contamination ou de la contagion. En vertu d’un second rapport de contiguïté qui lie le corps et l’esprit, le symptôme peut également devenir la métaphore d’une maladie somatique ou psychique. Dans le deuxième chapitre, l’étude de différentes figures de l’entre-deux (vampire, mort-vivant, loup-garou) pose l’hypothèse que le malsain ne se réduit pas à l’Unheimliche, l’angoisse étant parfois provoquée non par un retour du refoulé (inquiétante étrangeté) mais par l’apparition d’un corps étranger réellement non-familier.

Dans la deuxième partie, l’auteur s’interroge sur les enjeux éthiques et moraux de la notion de malsain. Il croise les pensées du philosophe pragmatiste et néo-aristotélicien Charles Taylor et de Paul Ricœur. Les deux philosophes s’attachent à penser le rapport du sujet à la morale en dehors de l’intériorisation pure de la loi. Dans les termes de Ricœur, le soi doit être capable de remettre en cause la loi pour émettre un « jugement en situation » et départager des biens concurrents à l’aide de sa « conviction » : la difficulté à articuler une éthique et déterminer une valeur qui ne relève pas uniquement de la loi donne lieu à ce que le philosophe nomme un « tragique de l’action ». Le récit devient alors un « laboratoire du jugement moral ». Les œuvres analysées confrontent des valeurs concurrentes, au sein de la diégèse mais aussi entre la diégèse et la narration ; l’absence de loi universelle qui permettrait de créer une hiérarchie entre ces valeurs donne lieu à une forme d’« humour », au sens donné à cette notion par Clément Rosset, procédé qui fait l’objet d’une analyse détaillée dans le second chapitre. Dans le troisième chapitre, David Roche poursuit la référence à Rosset en évoquant la« pensée tragique » du philosophe, qui remet en cause l’« idée de nature » pour affirmer le règne de l’artifice (l’homme) et du hasard (la matière). Malgré l’intérêt de cette réflexion, on pourrait souhaiter que l’auteur explore davantage ce qui excède ou déborde la question de l’immoralité dans l’esthétique du malsain, afin d’en mieux cerner la spécificité.

Dans la troisième partie, David Roche convoque les pensées de Michel Foucault et de Judith Butler pour montrer que les œuvres du corpus déconstruisent les discours normatifs qui régissent leurs univers diégétiques. Des signifiants comme « le Noir », « la femme », « l’homosexuel », « l’handicapé », etc. ne sont pas malsains en soi, mais le deviennent par les relations parasitaires qu’établissent les discours, si bien que les personnages attribuent à tort aux corps une vérité qui serait antérieure à l’ordre symbolique. C’est seulement au niveau de la lecture, soit de la réception de l’œuvre, que peut intervenir une déconstruction de cette illusion, notamment grâce à l’usage de la parodie et de procédés métafictionnels.Dans le deuxième chapitre, on voit comment certaines figures de l’altérité peuvent paraître menaçantes au sujet par leur capacité à« citer », parodier ou subvertir la norme qui leur est associée, révélant alors le caractère artificiel de l’idée de nature, et donc de l’ordre symbolique phallocentrique. Dans le troisième chapitre, l’auteur montre que le sujet perçoit fréquemment le corps autre comme le signe de quelque chose plutôt que comme un simple effet du signifiant, révélant une confusion entre visibilité et lisibilité du signe.

La conclusion aborde la réception des œuvres du corpus, précisant les attaques et phénomènes de censure dont elles ont fait l’objet, pour se tourner enfin vers la théorie de l’effet (reader response theory) de Wolfgang Iser. Le malaise que ressent le lecteur viendrait de l’absence d’une voix qui serait garante de la loi à l’intérieur des œuvres. Il ressort de ce travail que l’esthétique du malsain a une fonction heuristique car le lecteur/spectateur se trouve contraint, par l’absence de « loi »interne aux œuvres étudiées, de s’adonner à son tour au « tragique de l’action » dont parle Ricœur. Ainsi renvoyé à lui-même, il éprouve un certain inconfort qui fait de l’expérience de lecture ou de visionnage une expérience de jouissance plutôt que de plaisir. La réflexion pourrait utilement se poursuivre par une analyse du rôle de l’identification : l’esthétique du malsain pourrait se comprendre comme le lieu où se joue inconsciemment une identification « négative », ferment d’une prise de conscience troublante qui explique le rejet que suscitent parfois les œuvres jugées malsaines. Du reste, c’est la conclusion à laquelle parvient David Roche qui, après avoir tenté dans la première partie de rattacher le malsain à la fois à l’inquiétante étrangeté et à l’expérience d’un corps autre « réellement » étranger, affirme à la fin de l’ouvrage que l’esthétique malsaine relève toujours in fine de l’Unheimliche.
On se réjouira de la publication de cet ouvrage qui aborde une question esthétique à laquelle il manquait jusqu’ici une formalisation exhaustive et rigoureuse ; précisons toutefois qu’il s’agit de l’adaptation d’une thèse de doctorat dont la lecture est parfois ardue. La variété du corpus théorique sur lequel s’appuie David Roche permet d’aborder des œuvres en apparence très diverses à travers une grille de lecture unifiée et les commentaires d’extraits d’œuvres appuient de façon convaincante le propos. Cette réflexion ouvrira sans nul doute la voie à des analyses fécondes de la poétique du malsain dans des œuvres variées, ainsi qu’à une exploration renouvelée des genres que sont le fantastique, le gothique ou l’horreur.

Clara Mallier (Université de Bordeaux 3)

Euh Marie, t'es en fac, décompresse un peu hein x)

Non mais j'aime vraiment ça, ne t'inquiète pas pour moi.

Ah ben sur des livres aussi tendancieux, m'étonne pas^^

Ce livre est justement une réflexion sur ce qu'on considère malsain (ou tendancieux) !